Le Fils de Saul

Le Fils de Saul

Hun, L. Nemes, 2015CANNES_H80
Note : 4.5 / 5 – Excellent

C’est peu dire que Le Fils de Saul a fait grand bruit à Cannes en mai dernier. Premier film, réalisateur inconnu, sujet sensible, tout était réuni pour susciter la curiosité. Celle-ci s’est d’ailleurs très vite transformée en respect tant l’œuvre du hongrois Laszlo Nemes a marqué les esprits. En effet, ce jeune réalisateur n’a pas choisi la simplicité pour le choix du sujet de son premier long métrage. Il a tout simplement décidé de faire suite à Claude Lanzmann, Steven Spielberg ou encore Roberto Benigni, pour représenter l’abomination de la Shoah. Pour cela, il a opté pour des choix de mise en scène inédits et il a décidé de représenter l’horreur de manière quasi frontale. Il s’est donc intéressé au cœur de la machine de mort, c’est-à-dire aux membres des Sonderkommando, ces prisonniers juifs contraints d’exécuter les pires tâches au profit des Nazis. La séquence d’introduction est éprouvante. Laszlo Nemes nous plonge, avec un réalisme glaçant, au plus près de ce qu’était l’horreur des camps d’extermination. Il choisit de flouter volontairement les arrière-plans, pas pour nous masquer l’horreur, mais pour mieux signifier l’aveuglement de ces hommes. Il a également pris la décision de filmer essentiellement à hauteur d’homme, à travers le regard de Saul ou derrière sa nuque. Ces choix radicaux, agrémentés d’un récit cohérent et fluide, rendent le film inoubliable. On ressort de la salle avec un sentiment d’hébétude jamais ressenti jusque-là malgré l’importante documentation qui existe sur les camps de la mort. L’acteur hongrois Géza Röhrig interprète remarquablement Saul, ce membre du Sonderkommando qui a perdu tout sens commun et dont les actes deviennent irrationnels. Le Fils de Saul est une œuvre forte, qu’un jeune réalisateur audacieux et immensément talentueux a eu le courage de proposer aux spectateurs pour voir la Shoah autrement.

R.M.